top of page

La doctrine sociale de l'Église

Définition

Le mot «doctrine» est défini de la manière suivante : «Ensemble de notions, qui constituent un système d’enseignement (religieux, philosophique, politique) qui fournit une interprétation des faits et oriente ou dirige l'action».

Le terme social est habituellement réduit dans son acception courante à la sphère de la « question sociale » qui traite principalement des rapports entre employeurs et employés. L’Église lui donne son sens plein et entier. Il s’agit de tout ce qui se rattache à l’organisation des sociétés humaines : Familles, nations, systèmes politiques.

Une doctrine sociale sera ainsi un système d'explications rendant compte ou prétendant rendre compte de tous les aspects de la vie sociale de l'homme sur terre.

Importance de la doctrine sociale catholique

On doit insister sur l’importance de la doctrine sociale catholique, car celle-ci repose sur deux aspects centraux essentiels de notre fois : l’incarnation et la charité.

Notre seigneur Jésus Christ par son incarnation a montré la valeur des normes qui régissent l’organisation sociale, normes qu’il a respectées durant toute sa vie et particulièrement durant les 30 premières années.

Il peut paraître surprenant d’établir un lien entre doctrine sociale et la charité pourtant comme Sa Sainteté Benoît XVI le rappelait dans son encyclique Deus caritas est : « L’amour du prochain, enraciné dans l’amour de Dieu, est avant tout une tâche pour chaque fidèle, mais il est aussi une tâche pour la communauté ecclésiale entière, et cela à tous les niveaux – de la communauté locale à l’Église particulière jusqu’à l’Église universelle dans son ensemble. L’Église aussi, en tant que communauté, doit pratiquer l’amour. En conséquence, l’amour a aussi besoin d’organisation ».

C’est cet enracinement – au cœur de l’enseignement du Christ – qui explique le souci constant des Saints-Pères de promouvoir cette part capitale de la « bonne nouvelle ». Ceci est de plus en plus vrai au fur et à mesure que se répand une conception extensive de la notion de laïcité. Conception extensive qui vise à enfermer indûment la religion dans la sphère privée. Face a cette dérive l’enseignement de l’église est constant : autonomie des deux sphères, mais non pas indépendance.

Le pape Pie XII indiquait le 22 janvier 1947 : «Vouloir tirer une ligne de séparation entre la religion et la vie, entre le surnaturel et le naturel, entre l'Église et le monde comme si l'un n'avait rien à faire avec l'autre, comme si les droits de Dieu ne s'appliquaient pas à toute la réalité multiforme de la vie quotidienne, humaine et sociale, est parfaitement contraire à la pensée chrétienne, et c'est nettement antichrétien». Et deux ans avant : «La doctrine sociale de l'Église est claire en tous ses aspects; elle est obligatoire; nul ne peut s'en écarter sans danger pour la foi et l'ordre moral».

Des auteurs catholiques célèbres ont pu également écrire : « Dire que Jésus-Christ est le Dieu des individus et des familles, et n'est pas le Dieu des peuples et des sociétés, c'est dire qu'il n'est pas Dieu. Dire que le christianisme est la loi de l'homme individuel et n'est pas la loi de l'homme collectif, c'est dire que le christianisme n'est pas divin. Dire que l'Église est juge de la morale privée et qu'elle n'a rien à voir à la morale publique et politique, c'est dire que l'Église n'est pas divine ». Ou encore : « Les Sources immédiates de la doctrine sociale catholique se ramènent à l’enseignement authentique du Magistère ecclésiastique et à l’enseignement scientifique des théologiens et sociologues, s’inspirant de ce magistère ».

Brève histoire de la doctrine sociale

Il faut d’abord répéter que la Doctrine Sociale de l’Église trouve sa source directe dans l’enseignement du christ et des apôtres. Par exemple, le livre de la Genèse est cité 76 fois dans le compendium de la Doctrine Sociale de l’Église : Isaïe 36 fois l’évangile de Mathieu 49 fois l’épître aux Romains 39 fois. Il ne s’agit donc pas de « nouveautés » que l’Église aurait inventé pour répondre à des exigences imprévues.

Il est toutefois apparu – à partir de la sécularisation croissante des sociétés européennes – comme une nécessité de formaliser cet enseignement ancien pour répondre sur le terrain de la foi, mais aussi de la raison, aux questions soulevées par cette sécularisation.

Ainsi l’encyclique fondatrice rerum novarum date de 1891, elle fut promulguée par Léon XIII après une série de textes traitant déjà de problèmes politiques et sociaux. On peut regretté qu’a cette époque, comme aujourd’hui, l’enseignement du Magistère ait été si peu compris du peuple chrétien qui n’y a vu qu’une condamnation du socialisme marxiste alors qu’il s’agissait d’une remise en cause radicale des effets anti humains de la sécularisation tant libérale que marxiste. Admonestation d’une terrible clairvoyance.

L’autre grande étape est l’encyclique quadragesimo anno (quarante ans après) en 1931 dans laquelle Pie XI recommande le renforcement des organisations ouvrières comme étant appelée à participer au débat social et pour la première fois appelle les chrétiens à « entrer en politique ».

Suivent 3 encycliques l’une contre le Fascisme anti-catholique, une contre l’Hitlérisme païen, une contre le communisme athée.

Après guerre, la sécularisation s’accélérant, les appels du Magistère au peuple chrétien se font plus pressants et plus fréquents. Pacem in terris en 1963, populorum progressio en 1967, humanae vitae en 1967, octogesima adveniens en 1971.

Dans cette dernière exhortation apostolique Paul VI met tout particulièrement l’accent sur la primauté du politique et engage encore les chrétiens à ne pas limiter leur action aux domaines économique et social (au sens restreint).

Viennent ensuite les enseignements de Jean-Paul II : Laborem exercens en 1981, Familiris consortio en 1982, sollicitudo rei socialis en 1987 et centesimus annus en 1991.

 

Benoît XVI traita également la question dans Deus caritas publiée le 25 décembre 2005. Encyclique qui aborde la question sociale dans sa deuxième moitié, développant particulièrement le lien entre charité et justice.

Ainsi de façon de plus en plus pressante le Magistère appelle le peuple chrétien à l’action avec pour l’heure un écho insuffisant.

Le Pape François développait de son côté le lien entre les questions sociales et environnementales, déjà bien présentes dans l'enseignement des ses immédiats prédécesseurs, dans Laudato si.

Principales notions

Il faut tout d’abord rappeler de manière claire le lien direct qui joint la doctrine sociale de l’Église avec la pratique de la charité vertu théologale souvent regardée comme purement individuelle. Mais le Saint-Père a de nouveau mis en évidence que l’exercice de l’amour (comme manifestation de l’amour trinitaire) de la part de l’Église est essentiel au même titre que l’annonce de la parole et la célébration des sacrements. Toutefois ce service communautaire ne se limite pas aux « services d’Église », mais intéresse la société toute entière.

Ainsi Sa Sainteté le pape PIE XI a pu écrire dans la lettre encyclique Divini Redemptoris : « En même temps Dieu destina l'homme à vivre en société comme sa nature le demande. Dans le plan du Créateur, la société est un moyen naturel, dont l'homme peut et doit se servir pour atteindre sa fin, car la société est faite pour l'homme et non l'homme pour la société. Ce qui ne veut point dire, comme le comprend le libéralisme individualiste, que la société est subordonnée à l'utilité égoïste de l'individu, mais que, par le moyen de l'union organique avec la société, la collaboration mutuelle rend possible à tous de réaliser la vraie félicité sur terre : cela veut dire encore que c'est dans la société que se développent toutes les aptitudes individuelles et sociales données à l'homme par la nature, aptitudes qui, dépassant l'intérêt immédiat du moment, reflètent dans la société la perfection de Dieu, ce qui est impossible, si l'homme reste isolé ». C’est donc pour répondre à cette vocation que le magistère a constitué la doctrine sociale de l’Église.

En préambule il faut d’abord rappeler la primauté de la personne humaine en tant qu’image de Dieu et subséquemment du respect de la vie sur les règles sociales ( cf ci-dessus la société est faite pour l’homme…) quelles qu’elles soient. Le compendium de la Doctrine Sociale traite ce point au chapitre 3 avant d’aborder le détail de la doctrine qui finalement est là pour cette fin.

Saint Jean-Paul II rappelait dans son discours à Puebla en 1979 devant le clergé latino-américain que la doctrine sociale donnait aux catholiques « des principes de réflexion, des normes de jugement et des orientations d’action ». Ceci est également un bon résumé de la démarche qui devrait être la nôtre.

Ces principes de réflexion sont au nombre de 5 constitués dans un ensemble pour promouvoir une conception complète et authentique de la personne humaine enracinée dans l’amour de Dieu.

Il s’agit :

  1. du bien commun, n°164(1)

  2. de la destination universelle des biens, n°171

  3. du principe de subsidiarité, n°185

  4. de la participation n°189

  5. du principe de solidarité n°192

 

Le compendium de la doctrine sociale (n°161) rappelle que ces principes ont un caractère général et fondamental car ils concernent la réalité sociale dans son ensemble. Ce sont des paramètres de référence premiers pour l’interprétation et l’évaluation des phénomènes sociaux.

Le magistère prend soin dès l’énoncé de ces principes de noter l’obligation qui nous est faite de les apprécier et de les utiliser de manière à prendre en compte leur caractère unitaire et articulé. Il nous recommande en particulier d’éviter un usage exclusif de tel ou tel de ces principes, car c’est par leur équilibre qu’ils se soutiennent les uns les autres et forment un outil irremplaçable d’analyse et d’action.

 

Ces principes sont par ailleurs établis dans un rapport de réciprocité avec les valeurs fondamentales de la vie sociale n°197 qui elles sont au nombre de 4 :

  1. la vérité

  2. la liberté

  3. la justice

  4. l’amour.

 

Le compendium de la doctrine sociale précise que leur mise en œuvre est une voie sûre et nécessaire pour atteindre à la fois le perfectionnement personnel et une vie sociale plus humaine qui corresponde à la vocation de l’homme. Ces valeurs requièrent la pratique des principes et l’exercice personnel des vertus.

 

Pour conclure cet exposé rapide, il faut rappeler encore que le conseil pontifical justice et paix qui à œuvré pour la rédaction du compendium de la Doctrine Sociale de l’Église indique en conclusion que l’action dans le monde et dans la société est bien le propre des fidèles laïcs :

n°541 « La caractéristique essentielle des fidèles laïcs, qui travaillent dans la vigne du Seigneur (cf. Mt 20, 1-16), est la nature séculière de leur sequela Christi, qui se réalise précisément dans le monde: « C'est [aux laïcs] qu'il revient, d'une manière particulière, d'éclairer et d'orienter toutes les réalités temporelles ».

-------------

(1) Les numéros renvoient à l'identification des paragraphes du Compendium de la Doctrine Sociale.

bottom of page