
L'unité italienne de 1871 est-elle un modèle pour l'unification de l'Europe ?
Le mouvement pour « l’unité italienne » a bien des points communs avec le mouvement pour « l’unité de l’Europe ». Ce sont les mêmes cercles libéraux qui les ont promus par-dessus les peuples, en s’opposant aux monarchies et à l’ensemble des structures traditionnelles dont au premier chef l’Église catholique. Ainsi il n’est pas inutile de revenir sur des aspects méconnus du Risorgimento pour comprendre ce qui est en jeu aujourd’hui dans bien des aspects de la construction européenne.
Bref rappel historique
Lorsqu’après les révolutions de 1848, l’Europe entière bruisse des mouvements nationaux, l’Italie est une des régions où les soubresauts sont les plus vifs, les plus violents. Le mouvement, encouragé par toutes têtes bien pensantes du Nord, attisé par la présence autrichienne en Lombardie et en Vénétie, se répand dans tout le nord de la péninsule avec puissance et rapidité. Après les victoires sur l'empire Habsbourg en 1859, acquises grâce à l’alliance française, tout le nord de la péninsule est aux mains de Cavour, le premier ministre du royaume de Piémont. L’unité bute alors sur deux obstacles : les états pontificaux et le royaume des Deux-Siciles. Dans les deux cas, l’unité sera imposée par les armes. De plus, dans la partie continentale du royaume des Deux-Siciles, le peuple va se soulever contre le nouvel ordre politique. Les causes de cette révolte populaire sont multiples : attachement à leur roi François II, réaction contre la politique ouvertement anticléricale du nouvel état italien, causes sociales. La répression féroce du « brigandage » fera selon les estimations les plus courantes environ 20 000 morts avec son lot de massacre de civils par les troupes gouvernementales ! La conséquence de cette annexion de force fut dès 1862 le remplacement du Ducat par la Lire piémontaise.
Dès cette première période, le niveau de change monétaire, le régime fiscal, les droits de douane, le gouvernement économique seront décidés en fonction des intérêts du Nord. Très rapidement l’industrie de l’ex-royaume des Deux-Siciles va péricliter. Elle possédait pourtant de nombreux fleurons : sidérurgie en Calabre, constructions navales et ferroviaires en Campanie. Tout cela va s’effondrer poussant les habitants de la Basilicate, de la Campanie, de la Calabre à l’exode vers le Nord, vers l’Amérique, vers l’Algérie. Un siècle et demi après le Sud est toujours une « zone déprimée » malgré tous les plans de soutien, les actions de relance, les tentatives de relocalisations, rien n’y fait : le sud est toujours en crise et n’a trouvé d’autre solution pour se défendre du Nord que les organisations du crime organisé !
La question qu’il faut donc se poser aujourd’hui est de savoir si un tel scénario catastrophe est possible pour le sud de la zone Euro pour des raisons assez similaires.
Où la comparaison peut aider la raison
Depuis la création de la monnaie unique en janvier 1999, on a pu constater, du point de vue national, à un effondrement de l’emploi industriel en France (voir courbe).

Plus précisément encore de nombreux fleurons de l’industrie française ont connu des crises graves ou un déclin évident durant cette même période.
Alstom, l’entreprise qui construit le TGV, a été contrainte de vendre sa branche construction navale, puis a connu une crise qui l’a amené au bord du dépôt de bilan. Malgré une première intervention de l’État français, l'entreprise a fait l'objet d'un raid hostile qui l' a fait passer sous contrôle américain.
Au moment de la création de EADS par fusion des sociétés nationales, Aérospatiale, l’entreprise phare en matière de construction aéronautique et spatiale avait en 1999 un chiffre d’affaires supérieur de 50% à son concurrent allemand DASA. Aujourd’hui la situation s'est quasiment inversée les principaux dirigeants sont allemands, le centre de recherche se situe à Hambourg et l'état français ne dispose lus que de 10% du capital.
Dans le même temps, notre filière nucléaire perdait beaucoup de sa compétitivité et de sa compétence. L'explosion en plusieurs structures du groupe énergétique EDF/GDF un des géants mondiaux à ouvert la voie à un politique à courte vue dont la fermeture récente des réacteurs de Fessenheim est un exemple emblématique.
Nous voyons en fait se dérouler sous nos yeux le même processus que celui que nous avons brièvement étudié lors de la réunification italienne et qui a abouti à la domination durable du Nord sur le Sud. Lors du traité de Maastricht, si mal négocié par le gouvernement socialiste de l’époque, l’Allemagne a su imposer des règles du jeu qui lui étaient profondément favorables : pacte de « stabilité », « indépendance » de la banque centrale. Depuis le niveau de change, taux d’intérêts, ce qui existe de gouvernance économique au niveau communautaire, tout a favorisé l’Allemagne aux dépens du sud de la zone Euro. Une nouvelle « zone déprimée » est en train de se créer et malheureusement notre pays en fait partie !
On ne peut sans danger nier le rôle des nations
À la violence physique qui a permis au Piémont de s’emparer du royaume de Naples, répond aujourd’hui la violence de l’oligarchie transnationale qui nous gouverne et son mépris pour l’expression démocratique du peuple. Y a-t-il plus grande violence que d’imposer au peuple français, au peuple néerlandais, au peuple irlandais, au peuple danois un système de gouvernance qu’ils ont ouvertement rejeté ? Mais cette oligarchie ignore qu’à bafouer les normes naturelles d’organisations des sociétés humaines, on ne peut qu’aboutir à une impasse. Aujourd’hui tous les économistes réalistes voient combien l’hétérogénéité de la zone Euro est une entrave gravissime pour les pays membres. Différences économiques, différences culturelles, structures sociales, différence de mode de vie, tout empêche une stratégie aussi uniforme que celle qu’impliquerait une monnaie unique !
Pour prendre le cas de notre pays, l’appartenance à la zone Euro ne fait qu’aggraver la situation. Compte tenu de notre tissu industriel qui est faible en entreprises moyennes, notre dynamisme dépend étroitement de certaines entreprises phares souvent liées au secteur public. Lorsque ces groupes sont en crise par perte de compétitivité ou lorsque leur caractère national se dilue, tout le pays connaît des difficultés. L’endettement qui en résulte indirectement et dont le montant a dépassé les 100% du PIB, ne peut être combattu efficacement. La reprise de l’inflation qui permettrait d’éroder la dette n’est pas envisageable compte tenu du règlement même de la banque centrale européenne. De même la monétisation de la dette n’est plus possible puisque notre pays a abandonné sa souveraineté monétaire : paradoxalement les banques privées peuvent créer de la monnaie, ce qu’elles font quotidiennement en consentant des prêts aux particuliers comme aux états, mais notre pays ne peut le faire ! Nous en sommes réduits à servir aux banques des intérêts dont le montant dépasse le budget de la défense nationale ! Montant sans doute croissant avec la reprise de l'inflation et qui entraînera inévitablement un immobilisme généralisé.
Pour sortir de cette impasse, il n’est guère d’autre solution que de retrouver la liberté d’action inhérente au rôle naturel des nations et des états qui sont à leur service.