Depuis la Grande Guerre de 30 ans (1914-1945), les pays européens ont perdu leur position dominante dans le monde. Le dernier épisode de cette longue séquence historique fut sans aucun doute la dislocation de l'empire soviétique ; c'est-à-dire la fin de la domination russe sur l'Asie centrale. Toutefois, jusqu'à aujourd'hui, les pays des trois Europes étaient parvenus à maintenir une forme de prospérité résiduelle, résultant de leur gloire passée. Ainsi l'industrie allemande, déjà la première d'Europe dès la fin du 19e siècle avait réussi à conserver sa place malgré l'écrasante défaite de 1945. Dans le pacte non écrit qui lie l'Allemagne aux États-Unis, elle reçut l'autorisation de dominer l'Ouest européen, puis d'étendre son activité, d'abord vers l'est du continent, puis vers l'Asie ; le tout pour son plus grand bénéfice. C'est ainsi que ce pays vaincu devint, grâce à l'allégeance consentie à leur suzerain, la puissance dirigeante de la péninsule ouest-européenne. Cette première place fut acquise au détriment de l'Angleterre, mais surtout de la France. Les classes dirigeantes de notre pays réfugiées derrière le phantasme du « couple franco-allemand » ont accepté sans regimber cette position de médiocre numéro trois, dont les accords Blum-Byrnes sont à la fois le commencement et l'archétype. Toute cette période, de 1945 à aujourd'hui, peut se résumer dans l’affaiblissement continu et la domestication progressive de notre pays.
La crise actuelle semble cependant marquer un tournant : l’appauvrissement qui jusqu'alors n'était que relatif est en passe devenir absolu. La perte de l'énergie peu chère de la Russie et les sanctions que les États-Unis imposent aux relations germano-chinoises vont entraîner l’effritement de l'industrie allemande et lorsque la locomotive s'arrête, le train s'arrête ! L'unilatéralisme américain, déjà dénoncé par François Mitterrand, réservait à l'Union Européenne le rôle d'armée de réserve ; aujourd'hui les réserves montent au front avec une mission de sacrifice. Les sanctions contre la Russie jusqu'à présent totalement inefficaces, les limites au commerce avec la première économie mondiale (la Chine) sont complétées par des mesures d'un protectionnisme sans fard. L'heure est venue pour le maître de vampiriser son tributaire. Devant cette situation les classes dirigeantes de l'Union Européenne et spécialement françaises sont frappées de paralysie : des lapins dans les phares ! La crise économique, sociale et politique semble inévitable.
Nous l'avons dit le déclin est ancien et nous le constatons chaque jour davantage : effondrement du niveau scolaire, désagrégation multiforme du système de santé, usure des infrastructures, incapacité d'assurer les fonctions régaliennes, la situation n'est guère brillante. L'évolution probable de la situation semble dessiner une perspective « à la grecque » : c'est-à-dire qu'outre un approfondissement radical des désordres ci-dessus, il faudra ajouter une baisse significative du niveau de vie, une liquidation des pauvres restes d'indépendance et une vente à l'encan du patrimoine national ! Bien triste tableau. Est-ce pour autant une mauvaise nouvelle pour l'avenir?
La question peut sembler saugrenue, pourtant deux opportunités peuvent résulter de cette nouvelle crise. En effet, la dégradation des conditions de vie va diminuer drastiquement l'attractivité de la zone ; il y aura donc une possibilité de voir se restreindre, voire de se tarir le flot migratoire qui disloque notre société. Si la crise atteint des profondeurs insoupçonnées, il est même possible que les immigrés de fraîche date quittent le pays pour des cieux plus cléments. Une fenêtre s'ouvrira alors pour voir se reconstituer une communauté nationale ressoudée par la nécessité.
La deuxième opportunité corrélative peut provenir de l'obligation de renouer avec des activités réellement productives et d'abandonner le phantasme de l'économie à 100% tertiaire. Ainsi nos concitoyens pourront redécouvrir la joie du travail bien fait qui fut une caractéristique de notre pays avant que tous ne s’amassent dans des tours de bureaux climatisées pour réaliser des tâches vides de sens.