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La France et les révoltes populaires

Dernière mise à jour : 13 oct. 2022

Il est assez courant d'affirmer que la France serait le pays type des révolutions populaires et de la contestation. Les tenants de cette thèse ne font que reprendre sous une forme ou une autre la formule célèbre de F. Engels : « La France est le pays où les luttes de classes ont été menées chaque fois, plus que partout ailleurs, jusqu’à la décision complète ». À l'appui de leur affirmation, les auteurs ne manquent pas de mentionner en premier lieu la révolution de 1789-92 puis ses différentes répliques au cours du 19e siècle : simples émeutes comme en 1820, 1827, 1832, 1834 ; qui tournent parfois en révolutions politiques comme en 1830, 1848 ou 1870. Il est même assez habituel d'ajouter à cette liste le mouvement de grève quasi insurrectionnel de 1936, et les troubles de mai 68. C'est dans cette perspective « révolutionnaire » que se situent le plus souvent les différents mouvements de protestation récents que ce soient les gilets jaunes ou l'opposition aux restrictions des libertés liées à la crise sanitaire. Il peut s'agir de références explicites ou plus largement encore d'images symboliques : bonnets phrygiens, slogans, symboles divers. Le phantasme révolutionnaire de 1789 a bien été implanté par deux siècles « d'école gratuite, laïque et obligatoire » et ainsi, de façon paradoxale, les opposants au « système » font référence aux fondations les plus profondes de ce même système.


Essayer de démystifier la période révolutionnaire est essentiel de ce point de vue. Il est en effet impossible de penser s'opposer à des institutions répressives, attentatoires aux libertés sans remettre en cause leurs principes fondateurs. Cette tâche a, il est vrai, été engagée dès l'origine et avec une grande pertinence par Burke ou De Maistre, mais il faut le constater, sans revenir réellement aux sources les plus fondamentales de l'événement. En pointant le caractère bourgeois de l'épisode historique, Marx et Engels ont certainement touché plus juste. Leur matérialisme et leur progressisme les ont cependant poussés à regarder positivement cette révolution ; étape indispensable vers l’émancipation finale. Il est temps d'analyser la révolution pour ce qu'elle est : un pas décisif dans l’œuvre de destruction de la civilisation ! Il est temps pour le peuple de regarder avec lucidité deux siècles de manipulations et travestissement.



Les causes immédiates : agitez le peuple !


Les causes immédiates de la révolution en France sont souvent éludées, car elles contredisent largement le récit mythique que le système scolaire a comme tâche d'inculquer aux enfants depuis deux siècles ! Il y eut certes une crise frumentaire qui fut le carburant des troubles de la période. Mais cette disette, qui ne fut pas que naturelle, ne peut expliquer le déroulé des événements ; nous y reviendrons. Pour comprendre l'enchaînement des faits, il faut étudier les forces politiques existantes qui ont fourni le « comburant » nécessaire à l'explosion et la direction du souffle !


Avant d'aborder les forces internes, il faut évoquer l'aspect géopolitique. Lorsque les forces franco-américaines neutralisèrent l'armée du général anglais Cornwallis avec l'aide décisive de la flotte de l'Amiral De Grasse, Lord North, ancien premier ministre anglais, eut ce mot : « La France nous a porté un coup terrible, nous perdons l'Amérique. Elle nous prépare encore une nouvelle perte, celle de l'Inde. Il faut que nous employions tous les moyens qui sont en notre pouvoir pour occuper la France au-dehors et au-dedans ». Propos mis en application avec brio par son successeur William Pitt ! On sait aujourd'hui que « les hommes de Londres » ont joué un rôle déterminant, directement ou par corruption, dans les décisions les plus extrêmes de la révolution ; et ce jusqu'au Consulat. Une puissance étrangère commanditant une révolution interne n'était pas une nouveauté, mais la révolution en France est sans doute un modèle du genre. Le Duc de Bedford déclarait à la Chambre des Lords, 27 janvier 1795 : « Nos efforts ont beaucoup contribué à établir le régime de Terreur en France ».


Généralement, on connaît mieux l'action délétère des parlements dans le blocage des réformes voulues par le roi Louis XVI, mais la question dynastique, elle, est largement laissée dans l'ombre. Louis-Philippe d’Orléans, duc d’Orléans devient en 1785 premier prince du sang, c'est-à-dire premier dans l'ordre de succession après « les fils de France ». Aussi dans les premiers temps de la révolution se constitue autour de sa personnalité, un groupe influent dit « faction d'Orléans » qui vise à une substitution de dynastie ou, du moins, à faire nommer le duc régent du royaume. L'idée générale étant d'instituer une monarchie parlementaire sur le modèle anglais qui se substituerait à la monarchie absolue. Ambition qui convergeait avec les plans de la diplomatie anglaise. Le duc était très proche du gouvernement britannique ( il avait la jouissance d'un palais à Londres, Portland place à 900 mètres du palais de Buckingham !) et avait fait de nombreux voyages dans ce pays.


On ne sait avec certitude si le duc est impliqué directement dans différents troubles révolutionnaires, mais l'implication de la « faction d'Orléans » est mieux établie : affaire Réveillon, prise de la Bastille, affaire des 5 et 6 octobre. Le duc, soit en personne, soit en effigie n'est jamais loin des émeutiers ! De plus ses affidés sont souvent impliqués directement.

Comme nous l'avons indiqué plus haut, la disette était une des causes immédiates des révoltes populaires qui furent ensuite instrumentalisées par les révolutionnaires. Mais outre les événements climatiques qui entraînèrent de mauvaises récoltes, la spéculation aggrava largement la situation. C'est le point de convergence entre les deux sources que nous avons explorées ci-dessus. En effet on sait aujourd'hui que, sous la pression du gouvernement britannique, le duc d'Orléans a fait procéder à d’importants achats spéculatifs de blé qui firent monter en flèche le prix du pain et déclenchèrent les premières émeutes.


C'est la banque britannique « Turnbull et Forbes » qui solda, au nom du gouvernement britannique, auprès de la Municipalité de Paris, les acquisitions de blé à destination de l'Angleterre. On trouve également un homme comme Stanislas-Marie Maillard, sans doute agent anglais, à la manœuvre à la Bastille comme aux journées d'octobre !


Enfin il faut évoquer le rôle joué par les sociétés de pensées dans la déstabilisation du régime. Toutes furent orientées vers les « idées nouvelles » dont les philosophes du siècle (Voltaire, Diderot, Rousseau,...) ont fait la promotion au cours d'une véritable guerre idéologique dont s'inspireront l'Agi-prop marxiste et nos modernes wokistes. Ces groupes eurent un impact considérable en particulier lors de la rédaction des cahiers de doléances et des élections aux états généraux. Formées essentiellement de gens de robe, elles étaient fort peu populaires dans leur composition et eurent souvent à cœur la préservation de leur situation. Tout cela a été parfaitement démontré par Augustin Cochin dans ses différents ouvrages.


Ces faits ne doivent pas nous conduire à réduire toute la révolution à ces éléments conjoncturels, mais il n'est pas impossible que sans eux la crise eût pu trouver une issue moins violente et destructrice.



Avant de s'en servir : des résultats désastreux !


Concernant d'abord la condition paysanne, elle s'est beaucoup moins améliorée qu'on l'affirme généralement. Si l'abolition des droits féodaux lui a été favorable à court terme, sa situation foncière s'est fort peu améliorée, la vente des biens nationaux n'ayant pas profité au peuple des campagnes. Différentes mesures, comme la loi du 24 avril 1792 qui interdit « les associations de tout ou partie considérable des habitants d’une commune pour acheter les biens mis en vente », écartent de fait la petite paysannerie de l'acquisition des biens saisis à l’Église et à la noblesse. Il en va de même avec la décision de ne pas allotir les biens vendus, et donc diviser les propriétés en parcelles moins chères. Celles-ci furent majoritairement acquises par la bourgeoisie urbaine (près de 60%), sans parler des «bandes noires» d’agioteurs qui monopolisaient les enchères, ou les créanciers de l’État et les fournisseurs aux armées, largement payés en biens publics. Seuls les paysans riches ont pu participer à cette mise à l'encan : les prix pouvant aller jusqu'à 1400 livres l'hectare quand le revenu moyen d'une famille était d'une centaine de livres par an ! Dans leur lutte contre les Girondins (plus implantés dans le monde rural) les Montagnards décident en juin 1793 que tout chef de famille possédant moins d’un arpent devait recevoir un arpent contre une rente de 5 % du prix du bien. Enfin une mesure qui s'apparente à une réforme agraire ! Mesure toutefois fort limitée : un arpent représentant envions 0,7 hectare. Hélas, on ne connaît qu’un seul cas d’application de cette mesure : en Seine-et-Oise, où 1 500 arpents de mauvaises terres sont répartis entre des indigents qui s’empressèrent d’ailleurs de revendre. De plus la mesure sera abandonnée dès septembre une fois la victoire sur les Girondins acquise ; bel exemple de démagogie républicaine.


Pour les ouvriers la situation est encore plus claire. Les corporations ayant été abolies, puis restaurées sous la monarchie, la révolution leur donne un coup fatal en interdisant tout groupement professionnel par la « loi Le Chapelier », du nom de son auteur Isaac Le Chapelier. Celui-ci déclarait devant l'assemblée pour défendre son texte : « Il faut donc remonter au principe que c'est aux conventions libres d'individus à individu à fixer la journée pour chaque ouvrier ». Il s'alarme ouvertement d'un mouvement présyndical où, les ouvriers, coalisés en assemblées, cherchaient à imposer des salaires minimums pour le prix de journée, et à créer des sociétés de secours (Horresco referens) !


Quand aux services publics, enseignement, hôpitaux, ils étaient assurés par l’Église. La spoliation des biens ecclésiastiques et la fin des droits féodaux qui assuraient une bonne part des financements les condamnent à la misère. Entre 1788 et 1790 les revenus des hôpitaux sont en chute de 20 millions à 13 millions de livres ! À titre d'exemple, les administrateurs de l’hôpital de Fécamp écrivent en novembre 1791 : « l’hôpital perdant les deux tiers de ses revenus ne peut servir plus longtemps au soulagement des pauvres ».


Pour l'enseignement la situation est assez similaire. Les meilleures écoles primaires de l’ancien régime étaient organisées par la « Congrégation des Frères des Écoles chrétiennes » et le taux d'alphabétisation est en progression constante. Tout est jeté à bas par l’Assemblée nationale, puis la Convention par leur politique de persécution religieuse. La période est donc marquée essentiellement par la destruction généralisée des institutions scolaires anciennes. Des idéologues opportunistes, comme Le Peletier de Saint-Fargeau, proposent des plans utopiques, dénués de tous moyens matériels, mais qui ont l’ambition d’« opérer une entière régénération, et de créer un nouveau peuple ». Le chaos est tel que, lors du concordat de 1802, Napoléon Bonaparte accepte le retour des « Frères des Écoles chrétiennes ». Parallèlement, l'abolition des corporations par la « loi Le Chapelier » déjà nommée désorganise pour longtemps la formation professionnelle.


Le bouleversement des structures sociales par la révolution allait finalement entraîner un effondrement de la situation des classes populaires pendant tout le 19e siècle. Les syndicats ne seront ainsi autorisés qu'en 1884 ! La détérioration de la situation des familles ouvrières est telle que les médecins militaires tireront la sonnette d'alarme devant la dégradation de la condition physique des recrues !


(A suivre)

R. A.

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